Entrevue
avec Loreena McKennitt
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ci-dessous)
1.
Vous avez entrepris de mettre sur pied le
Fonds Cook-Rees très peu de temps
après le décès de
votre fiancé, Ronald Rees. A-t-il
été difficile pour vous de
penser à aider d'autres personnes
sitôt après cet accident
tragique?
2.
Qui a apporté une contribution
financière au
Fonds?
3.
Vous préoccupiez-vous de
sécurité nautique avant
l'accident?
4.
Suite à l'accident, qu'avez-vous
appris sur la sécurité
nautique, ou sur la recherche et la
récupération
sous-marines?
5.
Quand avez-vous eu l'idée de faire
de l'album "Live In Paris And Toronto" un
outil de financement pour le
Fonds?
6.
Qui vous a conseillée ou
inspirée lorsque vous mettiez le
Fonds sur pied?
7.
Compte-t-on un grand nombre de morts
dûes aux accidents liés
à l'eau au
Canada?
8.
Les Canadiens et Canadiennes sont-ils
vraiment sensibilisés aux questions
concernant la sécurité
nautique? Où se trouvent les
lacunes?
9.
La grande majorité des accidents
nautiques sont-ils associés
à l'usage d'alcool, de drogues ou
des deux combinés, ou sont-ils
simplement des
"accidents"?
Entrevue
avec Loreena McKennitt
.
1.
Vous avez entrepris de mettre sur pied le
Fonds Cook-Rees très peu de temps
après le décès de
votre fiancé, Ronald Rees. A-t-il
été difficile pour vous de
penser à aider d'autres personnes
sitôt après cet accident
tragique?
Je
pense que chacun réagit
différemment dans ce genre de
situation, et aussi, chacun s'exprime avec
les moyens qui se trouvent à sa
disposition. Personnellement, j'ai
ressenti une telle montée
d'émotions et d'énergie, que
je savais qu'il fallait que je trouve une
façon de canaliser cette
énergie. Je pense que je suis le
genre de personne qui croit que si je
marche dans l'obscurité et que je
trébuche dans une fosse, il faut
alors que je remplisse cette fosse pour
m'assurer que la prochaine personne ne
tombe pas dans le trou.
Évidemment,
quand on regarde la question de la
sécurité nautique, il est
clair qu'il y a encore beaucoup de chemin
à faire en ce qui a trait à
la sensibilisation et à l'essentiel
nécessaire aux opérations de
recherche et de
récupération. Les amis et la
famille des victimes de cet accident ont
bien compris qu'il était possible,
voire nécessaire d'investir
davantage dans ces activités, qu'il
soit question de ressources ou de
financement.
Enfin,
le fait de tenir un service
commémoratif pour les trois hommes
qui ont péri impliquait qu'il
fallait que nous cherchions une
façon de recueillir les dons que
feraient parvenir les gens et la
création d'un fonds de cette sorte
semblait s'imposer pour cette raison.
Comme je m'étais déjà
lancée en affaires au cours des
années précédentes,
je savais que j'étais capable
d'entreprendre un projet de cette
envergure.
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.
2.
Qui a apporté une contribution
financière au Fonds?
Au
début, les contributions
provenaient surtout des résidents
de la communauté de Stratford qui
avaient des liens de parenté ou
d'amitié avec les familles Cook et
Rees, de même que de mes propres
connaissances et de leurs familles, ainsi
que de mes amis, de ma famille et de mes
collègues de travail. Depuis, nous
avons recueilli environ $3 millions de
dollars canadiens grâce aux ventes
du CD double "Live In Paris And Toronto".
Nous avons également reçu
des dons suite au service
commémoratif qui eu lieu en
mémoire de la tante de Greg Cook,
une officier de police de la police
provinciale de l'Ontario
décédée
prématurément et
tragiquement dans l'exercice de ses
fonctions lors d'un accident.
Il
faut aussi mentionner que depuis que le
Fonds a été
créé, nous avons reçu
un grand nombre de dons
commémoratifs de particuliers ayant
un lien de parenté ou
d'amitié avec des personnes qui ont
péri dans des accidents liés
à l'eau. Aussi, nous sommes
très sensibles au fait que tant de
donateurs aient choisi de contribuer
à l'uvre du Fonds en
mémoire d'un être
cher.
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.
3.
Vous préoccupiez-vous de
sécurité nautique avant
l'accident?
Jeune
adulte, j'ai obtenu ma Médaille de
bronze dans des cours de sauvetage
aquatique, mais mon entraînement
s'est arrêté là.
À part la natation, mon mode de vie
ne m'a tout simplement pas amenée,
dans l'ensemble, à pratiquer des
sports et des activités aquatiques.
Donc, je dois répondre que je ne
m'en préoccupais pas
particulièrement.
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.
4.
Suite à l'accident, qu'avez-vous
appris sur la sécurité
nautique, ou sur la recherche et la
récupération
sous-marines?
Je
dirais qu'après avoir
étudié ces questions d'un
peu plus près au cours des
dernières années, j'en suis
venue à penser que les risques que
comprennent beaucoup d'activités
aquatiques sont beaucoup plus importants
que le public ne le croit. Et que la
plupart du temps, comme dans beaucoup de
domaines de notre vie, nous nous tournons
vers le gouvernement pour étudier
et analyser lesquels de nos comportements
sont risqués et lesquels ne le sont
pas.
D'une
certaine façon, je partage le point
de vue de ceux qui ne veulent pas que le
gouvernement s'ingère
indûment dans leur vie, mais en
même temps, je reconnais, par
exemple, l'importance du port d'une
ceinture de sécurité et les
avantages d'une loi qui nous force
à l'attacher. À mon avis, le
gouvernement tarde à nous donner
des points de repère dans le
domaine de la sécurité
nautique. Au Canada, par exemple,
l'État commence tout juste à
adopter de nouveaux règlements qui,
je l'espère, continueront à
augmenter, et à être
amendés et étendus. Alors,
ce sont de bonnes nouvelles.
Au
moment de l'accident dans lequel ont
péri mes amis et mon fiancé,
je peux dire que je voyais bien que le
financement alloué aux
équipes de recherche et de
récupération aurait pu
être plus généreux. De
façon générale,
j'imagine que le problème du
financement varie selon la région.
Je vis en Ontario, au Canada, et il me
semble que l'OPP (Police provinciale de
l'Ontario) est probablement une des
unités sous-marines les mieux
équipées, certainement dans
ce pays. Or, leur financement n'est pas
suffisant. En ce qui concerne
l'équipement à la
disposition de ces unités, si on
regarde l'impact de certains types
d'équipement sur l'issue des
opérations, un meilleur financement
pourrait les aider à
améliorer le taux de
réussite. Pour évaluer la
réussite d'une opération, on
tient compte des facteurs suivants: la
capacité de repérer et de
récupérer ce que l'on
cherche, l'aspect sécuritaire pour
les plongeurs et la durée et le
coût de l'opération. Avec de
l'équipement plus récent, on
peut considérablement
réduire la durée de
l'opération, et cet
équipement peut souvent aller
là où il serait très
dangereux ou même impossible pour
les plongeurs d'aller.
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.
5.
Quand avez-vous eu l'idée de faire
de l'album "Live In Paris And Toronto" un
outil de financement pour le
Fonds?
Ce
projet a pris naissance peu de temps
après l'accident. J'ai vite compris
que les opérations de
récupération de cette sorte
pouvaient être des opérations
d'envergure très coûteuses.
J'ai bien vu que si les ressources
financières du Fonds se limitaient
aux dons reçus au début,
bien que généreux et
appréciés, le Fonds ne
pourrait ainsi répondre qu'à
une petite partie des besoins. Alors, j'ai
pensé qu'il fallait trouver un
moyen de générer des revenus
à une plus grande échelle.
De nombreuses autres fondations ou oeuvres
caritatives ont des campagnes de
levée de fonds, des
activités continues et du personnel
engagé à temps plein pour
trouver du financement et gérer les
fonds. À ce moment-là, je
n'étais pas prête à
prendre l'engagement d'agrandir
l'infrastructure du Fonds jusqu'à
ce point. Par ailleurs, comme
j'étais en train de préparer
cet enregistrement, c'était tout
simple de s'en servir comme moyen de
générer des
revenus.
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.
6.
Qui vous a conseillée ou
inspirée lorsque vous mettiez le
Fonds sur pied?
Quand
j'ai mis le Fonds sur pied, j'ai
travaillé avec mes collaborateurs
habituels à Quinlan Road et mes
autres conseillers aussi. Pour ce qui est
d'être inspirée, je dirais
que l'organisation Mothers Against Drunk
Driving (Les mères contre l'alcool
au volant) a été un
modèle pour moi.
Créée de toutes
pièces suite à un accident,
cette organisation est très active.
Je ne sais pas si le Fonds
commémoratif deviendra aussi
important et aura un impact aussi grand
que MADD (Mothers Against Drunk Driving),
mais j'admire vraiment ce qu'ils ont fait.
Il y a également la Fondation
SAUVE-QUI-PENSE située à
Toronto dirigée par le Docteur
Robert Conn. Enfin, il y a des gens dans
les unités de recherche et de
récupération ici, au Canada,
qui m'ont beaucoup inspirée. Je
pense, par exemple, à Scott Russell
du Secrétariat national de
recherche et de
récupération, de même
qu'à Peter Garapick et à ses
collègues de la Garde
côtière, ainsi qu'au
personnel de la Société de
sauvetage.
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7.
Compte-t-on un grand nombre de morts
dûes aux accidents liés
à l'eau au Canada?
D'après
les statistiques courantes telles qu'elles
sont relevées, il y a plus de 500
accidents mortels liés à
l'eau à chaque année.
En
fait, le problème c'est que cela ne
tient pas compte de toutes les autres
sortes d'accidents, les
réchappés, les
blessés, ceux qui ont
été sauvés de la
noyade ou ceux qui ont subi des blessures
en plongeant dans des piscines à
moitié pleines, par exemple. Ainsi,
l'ARILE (l'Alliance de recherche sur les
incidents liés à l'eau), en
l'occurrence une des initiatives à
laquelle participe le Fonds depuis un an,
entend répondre
précisément à ce
besoin: une banque de donnée
centralisée qui prend les rapports
des intervenants de première ligne
et qui va vraiment évaluer et
mesurer non seulement les accidents
mortels, mais également les
coûts d'un point de vue humain de
tous les types d'accidents liés
à l'eau.
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8.
Les Canadiens et Canadiennes sont-ils
vraiment sensibilisés aux questions
concernant la sécurité
nautique? Où se trouvent les
lacunes?
Je
ne pense pas que les Canadiens et
Canadiennes soient vraiment
sensibilisés. Comme nous le savons
tous, le Canada est entouré d'eau
et comprend les Grands Lacs et un grand
nombre de plus ou moins vastes
étendues d'eau. Par
conséquent, il y a beaucoup
d'activités nautiques et aquatiques
qui ont lieu dans et autour de ce pays. Si
je me fie aux réactions par rapport
aux diverses activités
médiatiques auxquelles j'ai
participé, j'ai l'impression qu'une
bonne partie du public aimerait en savoir
davantage. Les gens veulent savoir
où sont les risques et ils veulent
savoir comment se protéger
adéquatement.
Or,
ce qui manque, clairement, c'est
l'élaboration de normes quant
à l'accréditation des cours
des divers loisirs nautiques. Les nouveaux
règlements adoptés il y a
environ un an sur les cours de navigation
de plaisance commencent tout juste
à remédier à ce
problème en essayant
d'établir une norme pour que toutes
les organisations qui offrent ces cours
soient agréées. Or,
actuellement, il existe tant de
fournisseurs de cours uniquement dans le
domaine de la navigation de plaisance que
n'importe qui ayant pignon sur rue peut
prétendre vous enseigner la
navigation. Mais, il n'y a aucune preuve
qu'ils soient pleinement qualifiés
pour vous enseigner la
sécurité en embarcation. Je
suis certaine que nous voudrions tous
savoir que le gouvernement, ou une
organisation sans but lucratif telle que
la Société de sauvetage,
peut accréditer ces écoles
comme cela a été fait pour
les cours de natation, et s'assurer que
tous respectent une certaine norme de
qualité.
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.
9.
La grande majorité des accidents
nautiques sont-ils associés
à l'usage d'alcool, de drogues ou
des deux combinés, ou sont-ils
simplement des "accidents"?
Je
crois d'abord qu'employer le mot
"accidents" dans de telles circonstances
peut induire en erreur. C'est pour cette
raison que je pense que le travail du
Docteur Robert Conn de SAUVE-QUI-PENSE est
si important puisqu'il nous amène
à réfléchir sur le
sens des mots que nous employons. Il faut
que nous cessions d'appeler accident ce
qui est un incident. Parce que le mot
"accident" implique qu'on parle d'une
situation où on hausse les
épaules, on lève les mains
au ciel et on dit, "Que pouvions-nous
faire!" Je pense que pour réduire
les risques associés aux
activités nautiques, une partie de
la bataille commence à partir de
notre vocabulaire. D'abord, il est
important de prendre conscience que tout
ce que l'on fait comporte des risques.
Nous n'allons tout de même pas nous
enfermer dans la maison de peur qu'il nous
arrive quelque chose. SAUVE-QUI-PENSE
propose d'évaluer ces risques avant
d'entreprendre toute activité, puis
de suivre un entraînement en
conséquence et de prendre les
mesures nécessaires pour se
protéger. J'appelle cela prendre
les précautions nécessaires.
On peut suivre une formation, un cours de
voile par exemple, mais on peut aussi dire
à quelqu'un où on s'en va et
quand on compte revenir. Quand une
unité de recherche et de
récupération regarde un
accident, ils se demandent, est-ce une
faille technologique, est-ce une erreur
humaine ou est-ce causé par des
conditions climatiques difficiles? Presque
n'importe quel accident s'explique par un
ou plusieurs de ces facteurs
combinés. En agissant de
façon pro-active, on peut
éviter beaucoup d'accidents. On ne
peut certainement pas tout
prévenir, mais c'est pour cela
qu'il faut porter un gilet de sauvetage.
Et c'est pourquoi quelqu'un doit savoir
que nous sommes partis, et quand nous
devons être de retour.
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